Je suis américaine/ canadienne, née élévéé là-bas. Ma mère faisait la cuisine tous les jours, des plats simples, mais faits maison. Jeune j’étais assez ouverte à de nouveaux aliments et je me rappelle que chaque fois que j’avais l’occasion de manger au restaurant, je commandais des escargots de Bourgogne. Le pain que ma mère achetait était un pain de mie au blé complet. Industriel, oui! Mais au moins elle ne nous a pas habitués au pain blanc industriel. Ceci dit, en arrivant en France, même la baguette ne m’a pas vraiment séduite et je n’étais pas une grande consommatrice de pain. Il m’arrivait presque systèmatiquement d’oublier d’acheter du pain pour le repas. Je n’en mangeais pas alors je n’y pensais pas.
Depuis une quinzaine d’année je cuisine tous les jours et je cherche à manger des aliments frais. Le fait de vivre en France m’a ouvert la porte à un univers de saveurs et de préparations qui auraient été chers ou "mal vus" aux USA (pensez lapin, cuisses de grenouilles, boudin noir, etc!). Au fur et à mesure mon palet s’est affiné. Pour ceux qui me connaissent bien, ils savent que je bois jamais du café qui sort d’un paquet rouge. Ca me rendrait malade tout simplement. Je préfère ne pas boire du vin du tout qu’un vin de mauvaise qualité. Je ne mangerai jamais un fromage industriel. Je ne suis pas snob! Non, c’est juste que le palet devient plus sophistiqué quand on lui donne de bonnes choses à manger. Le goût est en evolution constante et petit à petit, la possibilité donnée, on peut apprendre à apprécier des saveurs forts et purs.
Pourquoi je vous raconte tout cela? Parce que la même chose se fait pour le pain. Comme vous le savez je suis en quête des techniques de la fabrication de pain. Je teste toutes sortes de techniques, j’invente des recettes, je joue avec des ingrédients. Parfois je suis vraiment emballée par une recette et parfois je n’aime pas du tout. Parfois, quand je goût un nouveau pain, je suis intriguée et sur le coup, je ne peux pas dire si je l’aime ou pas.
La recette qui suit était pour moi une sorte de révélation. Quand je me suis lancée dans la préparation j’étais un peu scéptique. TROIS jours de préparation! Est-ce qu’il allait valloir le coup après toute cette attente? Quand il est sorti du four, je l’ai trouvé très beau. Refroidi, je l’ai coupé et j’ai trouvé la mie exquise. Le goût, je l’ai trouvé surprenant. Le lendemain en pain grillé avec mon beurre et miel…. j’en suis devenue accro! Depuis que je l’ai découvert, j’en fait au moins une fois par semaine et je double la recette pour en faire quatre pains à la fois tellement je le mange vite!!!
C’est un pain "rustique" au levain, fait avec une petite portion de seigle complet, juste assez pour donner un goût très agréable. Il n’est pas formé en banneton. Pour les américains, un pain rustique veut souvent dire un pain dans le genre ciabatta, qui est plus plat mais avec une mie très aérée. La fermentation très longue au frais aide a faire développer des arômes. Le mariage entre le goût très légèrement aigrelet du levain avec le seigle donne un pain aux saveurs sophistiqués et profonds et qui se bonnifie le lendemain. Grillé, c’est exceptionnel.
Ce qui compte le plus avec la préparation de ce pain est la technique. J’ai déjà pas mal joué avec les proportions et les ingrédients et le résultat est toujours plus que satisfaisant. Je vous conseille donc de suivre la recette à la lettre la première fois pour la découvrir et par la suite, la manipuler à votre gré.
Il faut compter trois jours (aller… 2 jours et demi!) Pas trois jours de travail difficile! Non, trois jours d’attente, surtout. Mais ça vaut vraiment le coup.
Pain au seigle rustique de Pierre Nury’s (recette tirée du livre Local Breads de Daniel Leader)
Pour commencer, le matin, il faut préparer un levain ferme avec le levain liquide. Pour cela, prelevez une toute petite portion de levain liquide à laquelle vous ajoutez de la farine T65, au moins à part égale et un tout petit peu d’eau. Mélangez pour former une boule de pâte souple. Laissez fermenter toute la journée. (J’avoue ne plus faire cette étape. J’utilise mon levain liquide directement et je ne mesure rien.)
Le premier soir:
45g levain ferme fermenté
50g eau
95g farine T65
5g farine T150 (je mets du seigle)
Préparez le levain ferme en mélangeant tous les ingrédients pour former une boule. Pétrissez quelques tours pour que la boule soit souple. Déposez-la dans un bol couvert d’un film plastique. Laissez fermenter toute la nuit. Il va former une dome, doublé de volume.
Le lendemain matin
400g eau
450g farine T65
50g farine seigle
125g levain ferme (ce qui est dommage c’est qu’il fait en préparer trop. A vous de jouer avec les proportions. Je double la recette et j’utilise tout)
10g sel de Guérande
Dans le bol d’un mixeur avec crochet, mettez les farine et l’eau. Mélangez jusqu’à ce qu’une pâte se forme. Couvrez et laisser 20 min. C’est l’autolyse. On donne le temps à la farine de boire l’eau et les réseaux de gluten commencent à former.
Ajoutez le levain et le sel. Pétrissez à vitesse moyenne jusqu’à ce que la pâte devienne lisse, élastique et brillante. Cette pâte est très humide et elle collera toujours aux parois du bol. C’est pour cette raison que j’utilise toujours le mixeur. Vous pouvez le faire à la main si vous voulez. Il faut utiliser une technique spéciale pour les pâtes humide. Ou vous prenez une grosse spatule à pâte et vouz soulevez la pâte en faisant des plis successifs.
Mettez la pâte dans un grand bol et couvrez avec un film plastique. Laisser lever une heure. Sortez le pâton et posez-le sur un plan de travail. Appuyez sur le pâton pour le dégazer, puis faites des plis comme j’ai expliqué ICI. (Je mets le pâton dans un très grand bol et j’effectue les plis sans sortir le pâton. Ce n’est pas très orthodoxe mais ça marche très bien. Je soulève le pâton d’un côté et je le plis vers le haut, je fait un quart de tour et je refais le geste. Je fais tout le tour du pâton jusqu’à ce qu’il soit plus compact).
Repose le pâton dans le bol et recouvrez. Laissez lever encore une heure et refaites les plis.
Après encore 1-2 heures de levée mettez le pâton couvert au frigo et laissez-le toute la nuit (12-24hrs)
Le lendemain matin:
Sortez le pâton 2-3 heures avant la cuisson. Je le sors le matin en me levant pour la faire cuire avant midi. Préchauffez le four à 230°C. Juste avant la cuisson, préparez un plaque de cuisson recouvert d’un papier sulfurisé. Sortez le pâton et posez-le sur un plan de travail fariné. Sans vraiment manipuler le pâton pour garder les bulles, formez un rectangle. Avec une coupe pâte (ou un très grand couteau) coupez le pâton en deux parts égales. Avec les mains bien farinées, soulevez un pâton sur les deux extrémités. Tirez pour allonger le pâton (il fera 20-25cm), puis déposez-le sur une moitié de la plaque de cuisson en le laissant prendre la forme qu’il veut. Le but n’est pas du tout d’avoir une forme parfaite et régulière. Les défauts donnent justement tout sont charme à ce pain. Faites pareil pour l’autre moitié.
Faites un bon coup de buée et mettez la plaque. Faite cuire 20-30 jusqu’à ce que le haut des pains soit couleur caramel avec des tâches plus foncées.
Laissez refroidir avant de couper.
Ici, c’est une version T65, seigle et T110. Extra!